Le protecteur des oiseaux est un paysan heureux

Ouest France du 31 octobre 2015 : Page régionale
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Le protecteur des oiseaux est un paysan heureux

Frédéric Signoret s’est installé dans le Marais Breton, en Vendée. Il y élève des vaches allaitantes avec sa compagne en respectant l’avocette. Son revenu est nettement supérieur à la moyenne…

Reportage

Dès l’entrée, une grande fresque donne le ton. Des graffeurs de La Roche-sur-Yon ont peint un héron, une avocette et une bernache, le tout auréolé du sigle de la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO. La ferme du Querruy-Sellier, située à La Barre-de-Monts, dans le Marais Breton, s’adapte au rythme de la nidification des oiseaux et aux escales des migrateurs. Ici, pas d’ensilage ou de soja pour nourrir les très belles vaches maraîchines. L’eau, fruit des pluies hivernales, stagne le plus longtemps possible, histoire de remplir le gardemanger des petits vanneaux. « Dès qu’ils sortent de l’œuf, ils se mettent à courir. Ils se nourrissent de petits vers qu’ils dénichent dans des petites vasières. Ils ne trouvent pas leur pitance dans les sols durs », explique notre hôte, Frédéric Signoret. Cet éleveur s’est installé ici en 2005 au terme d’un parcours initiatique. Il a commencé sa nouvelle vie de paysan avec quelques vaches après dix ans passés comme permanent au sein de la Ligue de protection des oiseaux. Lui et sa compagne, coexploitante, ont fini par acquérir la ferme de 170 hectares. Façon d’aller plus avant dans la protection de la faune et de la flore. « On consacre beaucoup d’argent à la protection de la biodiversité, sans être très exigeant sur le résultat », regrette ce militant convaincu. Les aides sont fonction de l’engagement. Fertilisation limitée, dates de fauche repoussées, eau maintenue sur les prairies : trois niveaux sont prévus crescendo .Trois cents exploitations du Marais Breton touchent ainsi trois à quatre millions d’euros. Lui en est convaincu, « il faut tout faire pour être vraiment efficace ».

Un écolo horsain

Cela ne va pas de soi. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les bonnes pratiques visaient au contraire à drainer et utiliser l’engrais en veux-tu, en voilà, dans des terres considérées comme ingrates. « L’agro-écologie n’offre pas les mêmes rendements, mais un système d’herbe évite des investissements dispendieux. Les aides associées à la vente directe, qui permet de mieux valoriser ses produits, garantissent un bon résultat : nos revenus sont trois fois supérieurs à la moyenne de l’élevage de bovins en Vendée », assure Frédéric Signoret. Il a voulu montrer l’exemple. Cet écolo horsain – il est né dans le Berry – parfois jugé donneur de leçons, n’a pas le sentiment d’être suivi. Il a donc changé son fusil d’épaule et œuvre pour l’installation de personnes décidées à s’engager dans une autre agriculture. Un réseau s’est constitué avec une trentaine de paysans, la LPO, Terre de liens et le collectif Court-circuit, une Amap locale. Un troupeau est mis à disposition pour s’exercer. L’un de ses copains salarié dans une menuiserie industrielle s’est lancé dans l’élevage de chèvres et fait du fromage. La banque a d’abord refusé un prêt. Les 350 familles de l’Amap se sont engagées à prendre des fromages. Le prêt a finalement été accordé. Pour l’heure c’est une jeune fille, saisonnière en montagne, qui gère le troupeau école (lire ci-dessous) .Une dizaine d’installations ont pu voir le jour en cinq ans et le réseau veut s’étendre à tous les Pays de la Loire. « En attendant de l’étendre à la France… », s’amuse Frédéric Signoret.

Thierry BALLU.

Pacte

Comme Projet d’agro écologie citoyenne. Il vise à mettre en relation des paysans engagés dans la protection de la biodiversité. La Ligue de protection des oiseaux a donné l’impulsion. Elle apporte son expertise en complément d’actions développées par d’autres acteurs : Terre de lien, Groupements d’agriculture biologique, Civam, pour déterminer les besoins de la faune et de la flore. Un réseau de paysans accueille des stagiaires formés aux métiers de l’environnement ou futurs agriculteurs.

Soizic fait ses gammes avec les chèvres du troupeau école

« La montagne, c’était très bien. Nous nous plaisions là-bas, mais nous n’avions pas de perspectives », explique Soizic Cosson. Pendant dix ans, elle et son ami ont travaillé comme saisonniers. Les paysages sont très beaux, mais l’immobilier est loin d’être donné. Avec l’arrivée d’un second enfant, le couple entend changer de registre professionnel. Il rejoint la Vendée, berceau de la famille de Soizic Cosson. Ludivine, sa sœur est la compagne de Frédéric Signoret (lire ci-dessus). L’agriculture l’attire. Elle est prête à franchir le pas. « Mais je n’envisageais pas de le faire sans m’exercer. » L’occasion va s’offrir. La Ligue de protection des oiseaux met une partie de son troupeau école à sa disposition en octobre 2014. Le tout petit cheptel de cinq chèvres va s’étoffer grâce aux naissances. Elle se lance dans la fabrication du fromage au printemps et à l’été. « J’ai pu le faire sans pression. Prendre le temps de tester plusieurs formules. » Et d’être finalement convaincue. La jeune femme de 35 ans prépare un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole. Au terme de cette étape indispensable pour obtenir des aides, elle compte se lancer pour de bon. Son but est d’avoir vingt-cinq chèvres et quatre vaches, de faire du fromage et s’engager dans une commercialisation en vente directe via une Amap. Cela suppose de trouver seize hectares dans les environs de la maison que le couple a acquis. « Ce n’est pas facile, mais cela se construit petit à petit. » Pour l’heure elle se débrouille par elle-même, mais elle sait qu’elle peut, en cas de besoin, demander du soutien au réseau Pacte .